L’architecture est une fiction
- nhouyoux
- 19 sept. 2020
- 2 min de lecture
«Tu penses que la philosophie est difficile, mais je t'assure que ce n'est rien comparé à la difficulté d'être un bon architecte.» (Wittgenstein)
Pourquoi visiterait-on plus volontiers Paris que Toulouse, Rotterdam que Bonn? Parce que, comme un bâtiment réussi, une ville possède beaucoup des qualités d'une personne. Elle a de l'harmonie, de la grâce, de l’inattendu,... L’architecture a la capacité d’accroître notre créativité, d’étendre le pouvoir de notre imagination et de développer notre capacité d’évaluation du monde.
Cette vertu d’enseignement de la fiction narrative de l’architecture ne consiste pas toujours à nous faire acquérir des connaissances nouvelles, mais elle consiste plus modestement à l’approfondissement des connaissances par le test empirique et l’immersion émotionnelle, à éprouver des émotions dont nous n’aurions pas forcément soupçonné la nature.
L’architecture contribue à améliorer nos connaissances en les affinant, en leur donnant consistance par le biais d’une expérience sensible et des représentations concrètes de situations qui nous étaient jusqu’ici étrangères. Les œuvres d’architecture font aussi appel à notre sens critique et constituent des invitations au dialogue. Dans ce contexte, les jugements de valeur et les préjugés n’ont pas leur place et ne sont surtout d’aucune aide.
C’est ce à quoi sert l’espace public : un lieu de rencontre entre différentes subjectivités qui sont justement capables de se rencontrer parce qu’elles savent faire abstraction d’un positionnement purement idéologique.
Mais existe-t-il une architecture sans influences ? Une fiction de propagande ? L'architecture peut-elle nous manipuler ?
Hélas, les mécanismes narratifs de l’architecture se nourrissent très souvent de la caricature. L’idée que l’architecture approfondit nos connaissances sur le monde ordinaire répond au risque qu’elle puisse nous tromper. L’interprétation de l’architecture n’est pas neutre ; elle renvoie à des présupposés de nature idéologique, qui recourent soit à une histoire conçue comme suite de ruptures, ce qui sous-entend qu’il est possible de faire table rase du passé et qu’une révolution est possible, soit à l’idée d’une continuité historique et d’une « tradition » au sens plus complexe et plus ouvert du terme.
Une fiction fonctionne comme un circuit interne. Toutes les images participent d’un système de représentation et, par ce fait même, s’inscrivent dans un cadre idéologique. Ces images contribuent, du moins passivement, à perpétuer un système.
Une œuvre architecturale, narrative par nature, ne fournit jamais l’ensemble des informations nécessaires à sa compréhension mais requiert la possession d’un certain nombre d’informations que l’architecte suppose acquises sous la forme d’un savoir implicite. En ce sens, l’expérience esthétique n’est donc jamais entièrement coupée de notre appréhension du monde ordinaire.
"Un bon plat se compose des mêmes éléments qu'un mauvais" (E. Delacroix). C’est donc bien à l’usager qu’il appartient de choisir son menu !

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