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La géométrie ne s’arrête jamais

  • nhouyoux
  • 13 févr.
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 14 févr.

Marcello Morandini allie la précision architecturale à l'élégance sculpturale et à la clarté graphique, souvent en noir et blanc. Il compose son art à travers l'agencement minutieux de formes répétitives, construisant des compositions complexes qui dansent à la limite de l'illusion visuelle et du jeu dimensionnel. Ses œuvres résonnent d'une intensité sereine, invitant à une réflexion profonde et à une spéculation sur la symétrie et l'ordre.


Il est né à Mantoue le 15 mai 1940, mais il s'est installé à Varèse dès 1947. Il a commencé sa carrière artistique en 1962 et a participé à de nombreuses expositions personnelles en Europe, aux États-Unis et au Japon. Il a été invité à des biennales internationales, dont celles de Sao Paulo (Brésil) en 1967 et de Venise en 1968. En 1974, il conçoit une place de 30 mètres de diamètre pour le centre commercial INA de Varèse.  Il a enseigné à l'Accademia della Brera de Milan, à la HEAA School of Watch Design de La Chaux De Fonds en Suisse. Il a été président de l'Associazione Liberi Artisti à Varèse.


Dans sa ville, sur un site de 3300 mètres carrés, Marcello Morandini a récemment ouvert sa fondation. Ce nouveau lieu essentiel se veut ouvert sur la communauté, comme un épicentre de dynamiques vivantes engagées dans des réflexions multidisciplinaires, et en vue d’organiser une multitude d’activités futures.

Rencontre.



Quel a été le début de votre parcours ?

J’ai fréquenté l'école d'art Brera de Milan, où j’ai travaillé également comme assistant designer pour une industrie et comme graphiste pour le studio Fronzoni. Un certain nombre d’artistes fréquentaient ce studio, comme notamment Getulio Alviani, qui m’a encouragé à faire connaître mon travail. Ce sont devenu des amis, avec qui j’arpentais différentes expositions. Ils m’ont présenté la galerie Del Naviglio à Milan, très importante pour les jeunes artistes, où j’ai fait mes premières expositions. Mes premiers dessins datent donc de cette époque, je dirais à partir de 1962. En 1964, j’ai commencé mes premières œuvres tridimensionnelles, exposées lors de ma première exposition à Gênes en 1965, sous la direction de Germano Celant.

Puis tout est allé très vite. En 1967, j’ai exposé à Milan, Francfort et Cologne, et j’ai été invité à la « IXe Biennale » de San Paolo au Brésil. En 1968, ce fut la XXXIVe Biennale internationale d'art de Venise, où j’ai pu disposer d'une salle personnelle dans le pavillon italien. Il y avait 22 artistes italiens représentés lors de cette biennale, et 12 d’entre eux moururent avant la fin de l’évènement. Ce fut aussi l’année des grandes contestations étudiantes, sur la place Saint Marc, pratiquement tous les jours.

L’année suivante, j’ai été invité à représenter l'art italien à Bruxelles dans le cadre des manifestations « Europalia ».


L’Allemagne a aussi joué un rôle important pour vous ?

C’est en 1970 que j’ai entamé une collaboration avec le marchand d'art Carl Laszlo de Bâle, avec lequel j’ai réalisé l'importante exposition de 1972 à la Kestnergesellschaft de Hanovre. Carl Laszlo collaborait entre autres artistes avec Vasarely, qui m’intéressait beaucoup.

J’ai habité en Allemagne une dizaine d’année, d’abord à Munich puis à Dusseldorf et Berlin. J’ai fait 3 expositions personnelles au Musée de Ludwigshafen am Rhein, et de nombreuses expositions dans le pays. En 1977, j’ai été invité à la « documenta 6 » à Kassel. J’ai aussi réalisé quelques expositions en Suisse.


Faites-vous une différence entre architecture, graphisme et art plastique ?

Non, aucune. Je m’attache au monde de la forme et de la géométrie. C’est la base de tout, la base de notre existence. Le sens de la géométrie nous remplit d’humilité : nous vivons sur une grande sphère qui est notre origine. Pour moi, la recherche de l’art se confond avec la géométrie.  La forme devient fonction, et devient connaissance. L’art et la géométrie se rapportent toujours à l’habiter. Je conçois mes réalisations comme des mouvements géométriques. Ces mouvements sont à chaque fois exclusif, je ne fais généralement pas de série.

Le rapport d’échelle et de dimension est aussi essentiel. J’attache une grande importance à la perception visuelle du spectateur et au rapport avec la dimension de l’œuvre. Comme en architecture, il y a souvent plusieurs points de vue qui peuvent être suggéré.   

Quand je fais du design fonctionnel, je cherche la forme juste qui puisse au mieux correspondre à la fonction, je ne me pose pas la question du beau. D’ailleurs je ne pense pas non plus à la production de l’objet vers le plus grand nombre, puisque je ne me définis pas comme designer à part entière, qui impliquerait un travail de production et de diffusion pour lesquels je n’ai pas le temps. J’aime trop mon propre temps individuel.


Comment définissez-vous l’abstraction ?

L’abstraction peut se concevoir de diverses manières. Il y a l’abstraction mentale, l’abstraction constructive,… Pour moi la géométrie ne s’arrête jamais, elle offre toujours des possibilités de transformations et d’interrogations de l’idée d’abstraction. L’utilisation du noir et blanc est une radicalité qui permet de tout comprendre immédiatement: la musique est écrite noir sur blanc, la littérature aussi. J’ai commencé très tôt avec ce contraste. Le blanc correspond à mon monde, et le noir correspond à ce que je fais. Je comble le blanc avec le noir. C’est ce qui me permet de trouver la géométrie juste. La couleur est bien sûr très importante, je ne le nie absolument pas. Mais cela ne correspondrait plus à mon monde. La couleur prendrait immédiatement le dessus, c’est une chose que je permets parfois dans certaines réalisations de design plus fonctionnelles.


Quels sont vos outils ?

Je n’ai jamais utilisé un ordinateur. J’aime l’idée d’une feuille blanche, concrète. Je travaille avec des artisans, notamment pour le bois quand il s’agit de sculptures. J’utilise un bois dur et consistent, qui dure dans le temps. Il en va de même avec l’acier ou le granit : je travaille toujours avec les meilleurs artisans. J’ai par exemple imaginé la chaise-sculpture BINE, entièrement plaquée de mélaminé rayé noir et blanc, avec un fabriquant allemand.


Comment la fondation Morandini est-elle née ?

La fondation correspond à un désir profond, qui a été rendu possible en 2015 grâce à l’aide de deux collectionneurs new yorkais qui sont devenus des amis. Après une première tentative avec un musée en Suisse, nous avons trouvé l’endroit idéal à Varèse: une villa du début du XXe siècle qui a été restaurée, la villa Zanotti. Elle appartenait à quatre sœurs et correspondait exactement à nos besoins. En trois ans de travaux, elle a été transformée en un espace de musée où les œuvres se combinent avec la mémoire historique du lieu.

Nous avons ouvert en 2022. La villa dispose de quatre étages, chacun de 120 mètres carrés, et de plus de 3000 mètres carrés d'espaces extérieurs. Au sous-sol ont lieu des expositions temporaires, qui sont organisées avec de grands musées internationaux, tous actifs dans le domaine de l'art concret, constructiviste ou programmé, comme on le définit en Italie, et organisées par leurs directeurs ou conservateurs. Les premier et deuxième étages sont utilisés uniquement pour exposer mon travail, et le quatrième abrite les archives et une petite maison d'hôtes.

Il reste encore à inclure un ascenseur comme annexe extérieure dans la restauration. C’est un projet que j’ai dessiné et qui a été accepté par la commune. Nous tentons actuellement de réunir les fonds pour le réaliser.


Comment s’organisent les expositions temporaires ?

Je cherche à faire connaître l'Art Concret et Constructiviste, qui existe depuis plus d’un siècle. C’est un art qui recherche la géométrie au-delà des effets spectaculaires. Il cherche à décrire les agencements géométriques dans une démarche essentialiste. Nous organisons une conférence tous les mois avec les artistes invités, pour leur permettre d’expliquer leur démarche. Il n’y a pas beaucoup de lieu en Italie qui s’intéresse à ce champ particulier de l’art, beaucoup plus en Allemagne et dans le nord de l’Europe. Il est important que ces artistes puissent avoir un catalogue, ou collaborer avec des galeries et des musées. Impliquer d’autres personnes dans la gestion du lieu d’exposition, comme des directeurs de musées étrangers, permet un brassage d’idées nouvelles, de démarches originales. C’est aussi une démarche didactique.

Nous cherchons également à développer des expériences multidisciplinaires, qui incluent la littérature, la musique, le design, la poésie, le cinéma,… et qui puissent s’adresser à un large spectre de publics, depuis les enfants jusqu'aux professionnels.


Comment la fondation s’inscrit-elle dans la ville ?

Varèse est une ville très verte, une ville traditionnelle de commerçants. Elle est née comme un lieu de villégiature pour les milanais. C’est une idée qui persiste parfois encore. Elle a pourtant développé un nouveau dynamisme, des politiques efficaces. On y trouve beaucoup d’artistes, dans divers domaines, qui parviennent à collaborer entre eux. Il y a un potentiel énorme.

La Fondation souhaite participer à l’enrichissement du paysage culturel de Varese, dans un dialogue constant. Cela permet aussi de renforcer la place de la ville sur la scène artistique contemporaine.


Propos recueillis par Nicolas Houyoux

 
 
 

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