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Maurice Houyoux, l’architecte de la Bibliothèque Royale de Belgique

  • nhouyoux
  • 3 déc. 2024
  • 9 min de lecture

L’architecte est constructeur, plasticien et poète. Il dirige subtilement les revendications de l’utilité vers le but plastique qu’il poursuit. Pure création de l’esprit, la beauté qu’il recherche et qu’il doit attendre (car c’est la raison même de son existence !) vivra d’essentiel, de vérité.

Maurice Houyoux naît le 15 novembre 1903 à Bruxelles. Il est le fils de Mariette Houyoux-Richald, féministe élue secrétaire générale de la Ligue belge du droit des femmes, et de Paul Houyoux, avocat et architecte.


En 1921, à dix-huit ans, Houyoux commence son éducation architecturale à l’académie des Beaux-Arts de Bruxelles. Avec les nouvelles situations sociales et économiques naissant en lendemain de guerre, les architectes expriment leurs désirs de simplicité et de sobriété au travers d’espaces dépouillés. À cette époque, l’architecture belge, en réaction à un modernisme naissant, se tourne vers un classicisme monumental à la manière de pavillon belge de l’Exposition de Paris en 1925. Des caractéristiques propres à ces styles sont présentes dans les premières œuvres de l’architecte. Cependant, c’est en suivant des cours à l’École des Beaux-Arts de Paris que son style s’affirme. Parmi les influences françaises majeures, comptons les modernistes Auguste Perret et Le Corbusier.


Dès lors, son œuvre se nourrit de références étrangères. Il voyage également dans les colonies belges et devient l’auteur de nombreux ouvrages architecturaux dans le Congo belge.


Maurice Houyoux quitte la France pour travailler comme stagiaire chez l’architecte Dirk Roosenburg à La Haye, au Pays-Bas. Avec ce dernier, il travaille sur des bâtiments industriels. L’architecte hollandais est en effet connu pour son architecture fonctionnaliste, avec des réalisations comme les bâtiments de la compagnie Philips à Eindhoven.


Période industrielle


Au contact de Dirk Roosenburg, Maurice Houyoux développe un goût pour l’architecture fonctionnaliste. À son retour en Belgique, il est architecte pour la Fabrique Nationale (F.N.) de 1927 à 1931. Il construit les usines d’armement militaire de la F.N. d’Herstal en 1928. Elles sont parmi les plus grands bâtiments industriels en Belgique à cette époque. Pour ce projet, Houyoux collabore avec les Entreprises Monnoyere et Fils. Il construit également les ensembles industriels à Aix-la-Chapelle, et à Michel-les-Bruges.


Il est appelé en 1939 pour entreprendre la construction d’un pavillon et d’un cinéma de la collectivité des armuriers à l’exposition internationale de la technique de l’eau à Liège.


D’après Maurice Houyoux, le rôle de l’architecte ne peut se réduire à être simple artiste et décorateur d’espace. La guerre ayant secoué les consciences et éveillés les problèmes sociaux, le désir de faire de l’architecture dépouillée et fonctionnelle s’affirme. Cependant, Houyoux refuse également que le rôle de l’architecte se résume aux pratiques d’un habitat technicien qui répond aux strictes nécessités d’un espace et à son programme. Les contraintes spatiales et programmatiques sont à l’origine du projet d’architecture, mais doivent être aussi les éléments faisant naître la sensibilité artistique de l’espace.


Hôtels particuliers, appartements et autres projets


Dans l’entre-deux guerres, Maurice Houyoux construit une série d'hôtels particuliers et d’immeubles à appartements.

Ses maisons pavillonnaires présentent clairement un intérêt pour la composition équilibrée. Elles traitent de la disposition des lignes, du balancement des masses, du balancement des pleins et des vides. À ce souci d’ordonnancement, on retrouve une influence de l’architecture fonctionnelle. Car s'il est un thème cher à Maurice Houyoux, c’est une poésie de composition (l’art), traduite par la maîtrise du détail (la technique), qui n’est que le résultat d’un idéal d’organisation en plan (la fonction).  Construit en 1935, l’immeuble à appartement « Claire Maison », au carrefour des avenues Brugmann et Boetendael, se veut l’illustration de cette conviction.


Maurice Houyoux se permet plus de libertés quant aux maisons pavillonnaires dans lesquelles le langage de l’architecture moderne rencontre le vocabulaire archétypal du cottage.


Dans l’hôtel de l’avenue Henri Pirenne (anciennement avenue Fructidor) à Uccle, construit en 1933, la toiture plate rencontre la corniche. Les garde-corps métalliques sont sujets aux détails. Les volumes simples sont objets de composition asymétrique. Les fenêtres en longueur se déclinent en arceau au rez-de-chaussée.


C’est à cette période que Maurice Houyoux se marie avec Betsy Diongre (dont Charles Leplae réalisa le buste), fille de l’architecte Joseph Diongre, son collaborateur et associé.


Maurice Houyoux travaille ainsi sur de multiples projets avec son beau-père. Il collabore également sur un projet de la société L’Oréal à Paris ainsi que sur divers concours, comme celui pour la construction en 1939 de la salle des fêtes sur la place d’Ixelles, aujourd’hui Place Eugène Flagey.


Bibliothèque Royale Albertine


Le projet de la Bibliothèque Royale est un complexe intimement lié à l’aménagement du Mont des Arts. Le programme intègre la bibliothèque, une galerie commerciale et de bureaux, le palais des congrès, le service des archives royales, et un parking en sous-sol.


Dès 1935, afin d’honorer la mémoire du roi Albert, la reine Elisabeth et Léopold III proposent à l’État d’édifier une nouvelle bibliothèque. Maurice Houyoux se fait le commanditaire d’une architecture monumentale. Il se nourrit du classicisme tout en restant fondamentalement moderne par les techniques et par les principes de compositions qu’il privilégie. Le désir d'une « conception monumentale » du projet avait été inclus comme prémisse dans le programme des deux concours. Le pouvoir organisateur belge a délibérément recherché un emplacement à Bruxelles qui permettrait un cadre monumental impressionnant pour la bibliothèque.


La gare Centrale confiée à Victor Horta (1936-1952), la Bibliothèque royale Albert Ier conçue sur le Mont des Arts, la nouvelle aile de la Banque nationale de Belgique dessinée par Marcel Van Goethem (1940-1957) se rattachent ainsi au classicisme moderne qui caractérise les programmes officiels des années 1930 dans une grande partie de l’Europe, un style dont Victor Bourgeois avait paradoxalement réalisé l’un des premiers exemples significatifs avec l’Office des Chèques postaux (1937-1949).


En élaborant les plans de la nouvelle Bibliothèque royale, Houyoux a dû relever le défi de concilier de manière claire et lisible le caractère représentatif d’un « mémorial national » avec les exigences fonctionnelles d’un programme de bibliothèque. Afin de concrétiser l'aspect représentatif, il a tenté de réaliser une mise en scène spatiale monumentale à travers la structure du plan ainsi qu'à travers la conception et la décoration des pièces. Par ailleurs, Houyoux a également opté en faveurs d’un programme clair par une séparation assez stricte entre la partie publique et la partie administrative de la bibliothèque, en prévoyant à la fois des entrées séparées et des axes de circulation distincts.


La KBR, ce sont en conséquence des chiffres faramineux : 67.000 m2 utiles, 8000 m2 de locaux accessibles aux lecteurs avec 1100 places disponibles. Les réserves ne comptent pas moins de 17 étages abritant 150 km de rayonnages accueillant plus de 8 millions de documents. Il est vrai que l’institution s’étoffe régulièrement, étant le récipiendaire du dépôt légal belge : de façon générale, éditeurs et coéditeurs sont tenus d’y déposer deux exemplaires de leurs publications, un seul pour les périodiques.


Les lieux accueillent aussi quantité d’organisations et d’asbl, en rapport avec son statut, dont des musées.


L’Albertine au Botanique


Du 1er septembre au 15 décembre 1938 a lieu le concours pour l’Albertine au Jardin Botanique. L’issue du concours a pour but d’estimer la viabilité d’un tel programme au droit du Jardin Botanique, entraînant les destructions des serres dessinées par Charles-Henri Petersen en 1826. Car, depuis qu’en 1934, la décision fut prise d’ériger une bibliothèque à la mémoire du Roi défunt, le pouvoir adjudicateur n’eut de cesse de tergiverser sur l’implantation. En premier choix, la ville opte pour le Mont des Arts (anciennement Montagne de la Cour) pour lequel les travaux de la bibliothèque se couplent facilement avec les travaux d’aménagement du parc à la suite du chantier de la jonction Nord-Midi.


Seulement, les ressources financières à débloquer pour un site de cette ampleur sont trop conséquentes. Le choix se porte alors sur le Jardin Botanique, proche du centre, dans la ville haute, et dont l’érection du nouveau programme serait bon prétexte à la création d’un nouveau quartier.


Le projet « Mesure pour mesure » de Maurice Houyoux est sélectionné à l’unanimité parmi 77 candidats. Le jury lui vante sa sobriété et son classicisme austère. La monumentalité de la proposition s’exprime par des formes classiques dépouillées. Les formes, par leur expression, révèlent les diverses fonctions des volumes. Le projet s’accorde à l’esprit d’un bâtiment officiel et durable.


Avec la Première Guerre mondiale et le krach boursier de 1929, les nations européennes tendent vers un retour à l’ordre (notamment avec la montée de l’extrême droite et des partis conservateurs).


Cependant, le soulèvement populaire et intellectuel contre la destruction des serres du Jardin Botanique déplace le projet au Mont des Arts, premier choix du pouvoir adjudicateur.


L’Albertine au Mont des Arts


En 1939, les Fonds « bibliothèque royale Albert 1er », pouvoir adjudicateur, font de nouveau appel à Maurice Houyoux, lauréat du concours de la bibliothèque du Jardin Botanique, et à Jules Ghobert, lauréat du plan d’aménagement du Mont des Arts (anciennement Montagne de la Cour) pour l’édification de la bibliothèque Albertine. Le projet initial prévoit une libération maximale de la surface utile des jardins du Mont des Arts, malgré le dénivelé, monumentalisé par un encadrement des programmes, rue Montagne de la Cour, rue Coudenberg, rue Ruysbroeck, boulevard de l’Empereur. Pourtant, le projet n’aura de cesse de rencontrer modification et transformation pour satisfaire aux désirs des Fonds, aux exigences budgétaires de la ville, et aux craintes des habitants.


C’est en 1944 que les plans sont acceptés pour la première fois. Le projet est monumental par ses dimensions, par son tracé et par ses volumes. Cette volumétrie harmonieuse se veut continuité entre l’architecture de la place royale et de ses musées et la projection des constructions modernes du boulevard de la jonction.


Le projet se conçoit en trois phases de constructions :

–dégagement du site, la construction du magasin de livres et de l’aile à front de la rue de Ruysbroeck et du boulevard de l’Empereur, mise à niveau de l’esplanade et de la voirie, ainsi que l’édification de tous les bâtiments qui l’entourent.

–démolition des anciens locaux de bibliothèque si ce n’est la façade à front de la place du Musée, construction de l’aile centrale et de l’aile est de la bibliothèque, ainsi que l’extension du musée et des locaux d’archives

— démolitions des anciens locaux d’archives et du musée d’art moderne, déménagé entre les locaux Charles de Lorraine et le patio de la bibliothèque.

Les difficultés financières de la ville repoussent le début des travaux. Le temps écoulé ranime les polémiques au sujet des proportions mégalomanes du projet, et au sujet de la destruction du square Vacherot, de la chapelle de Nassau, des habitations au bas de l’esplanade, ainsi que du lot d’expropriation nécessaire à la bonne réalisation du projet.

Ce nouveau débat aboutit sur la préservation des maisons traditionnelles au bas de l’esplanade du Monts des Arts. Offrant un panorama sur le bas de la ville et ses toits en pignons.


C’est dans cette modification perpétuelle du projet que Houyoux meurt, cédant à Roland Delers, son collaborateur, la bonne exécution du chantier. C’est à Roland Delers qu’il incombe la tâche de conserver la chapelle de Nassau dans la bibliothèque. Il bénéficie des conseils de Maxime Brunfaut, ainsi que de la supervision d’un collège d’architecte présidé par Victor Bourgeois.

Achevé en 1966, le projet est inauguré le 17 février 1969, date d’anniversaire du roi Albert 1er.

Le projet de l’Albertine frappe de par son homogénéité ordonnée bien qu’il n’ait été qu’une suite incessante de remaniements : que ce soit par l’intégration de la façade du palais Charles de Lorraine sur la place du musée, les modifications constantes en fonction de la concrétisation de la jonction Nord - Midi, la conservation de la chapelle de Nassau et du contexte environnant, l’évolution des modes de consommation de la bibliothèque et la construction tardive des archives générales inspirée des tendances post-modernes.


Congo belge


Le modernisme tropical


A Kinshasa (anciennement Léopoldville), le genre architectural s'inspirait fortement du "style international" populaire en Europe et en Amérique du Nord, mais en accordant une attention particulière à l'adaptation à la lumière et à la chaleur tropicales. Les développements urbains ont été renforcés par une planification physique ambitieuse visant à façonner la capitale de la colonie, y compris le boulevard Albert 1er et les plans pour un monumental "Boulevard de la Dominion" qui devait offrir des points de vue importants pour des bâtiments monumentaux. Maurice Houyoux a contribué de manière significative à la métamorphose de la ville.

Le projet du Mont des Arts, qui s'est poursuivi pendant les années 1950, a été comparé aux plans du quartier gouvernemental de Kalina à Léopoldville. À la fin des années 1940, Houyoux reçoit des commandes de la Banque du Congo Belge (BCB) pour des bâtiments à Kinshasa (anciennement Léopoldville), à Kinsangani (anciennement Stanleyville), Bukavu et Luluabourg (Kananga). Le projet de la Banque à Léopoldville, situé à côté de la structure originale datant d'avant la Première Guerre mondiale sur l'Avenue Hauzeur (Wagenia), comprenait également des appartements pour le personnel.  Le bâtiment abrite aujourd'hui le Ministère du portefeuille.


Au milieu des années 1950, Houyoux conçoit également l'immeuble Interfina sur le boulevard Albert 1er et l'immeuble de la CCCI (Compagnie du Congo pour le Commerce et de l'Industrie), également sur le boulevard, en face de la nouvelle poste. La Banque, la société commerciale Interfina et le holding CCCI étaient tous des filiales de la Société Générale de Belgique.

Maurice Houyoux se rend régulièrement dans le Congo belge. L’architecte reconnaît dans l’architecture congolaise de réelles stratégies ingénieuses permettant de se protéger du soleil tout en apportant de la lumière et de la fraîcheur. Il disait que « les peuples des pays chauds conçoivent ces impératifs depuis toujours et, dans leur manière de bâtir, s’y sont toujours conformés […] : pas de fenêtre, sortie surmontée d’un auvent, protection de branchages, obscurité complète évidemment, hygiène relatives bien sûr, mais aussi : fraîcheur… ».


Exposition universelle de Bruxelles 1958


Maurice Houyoux - Diongre et Jean Hendrickx - Van den Bosch sont nommés architectes en chef de la section belge et coloniale de l’Expo 58. Cette section occupait près de la moitié de la surface totale de l'exposition. Les architectes recherchent une unité et une expression contemporaine. Dans la section belge, l'objectif était de placer des pavillons grandioses, capables de rivaliser avec les palais du Heysel. La section coloniale occupait une place centrale dans l'exposition, entre la porte du Benelux et l'Atomium.  Elle est traversée par plusieurs avenues importantes et se situe au sud de l’Atomium, à l’Intersection entre le boulevard du Centenaire, l’avenue du Gros Tilleul et  l’avenue de Bouchout (anciennement avenue du Congo, avenue du Rwanda, avenue de l’Urundi).


La section se composait de 7 pavillons parmi lesquels le palais du Congo, Ruanda-Urundi. Maurice Houyoux supervise le plan général technique et la cohérence d’ensemble entre tous les pavillons de manière à mettre en valeur les thèmes exposés, par une scénographie sobre et claire.


Image: Maurice Houyoux peint par Albert Crommelynck


 
 
 

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