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Comprendre le contexte

  • nhouyoux
  • 22 sept. 2022
  • 6 min de lecture

CHYBIK + KRISTOF est une agence d'architecture fondée en 2010 par Ondřej Chybík et Michal Krištof. Les bureaux à Prague, Brno et Bratislava emploient plus de 60 collaborateurs. Les architectes travaillent sur un large éventail de projets, des aménagements urbains aux bâtiments publics et résidentiels.

Les projets récents incluent la ‘Gallery of Furniture’ (République tchèque), le pavillon tchèque à l'Expo 2015 (Milan, Italie), la ‘Lahofer Winery’ (République tchèque), la ‘Ostrava Tower’ ou terminal de bus de Brno. Le studio a reçu de nombreux prix, dont le Vanguard Award 2019 d'Architectural Record.


Vous avez un portfolio impressionnant pour un jeune bureau. Comment y êtes-vous arrivé ?

Nous avons démarré dès la fin de nos études, après divers expériences dans des bureaux ou après des compléments d’études à l’étranger, notamment à Gand ou à Copenhague. Notre collaboration a été fructueuse dès le départ. Notre partenariat nous permet de décupler nos énergies et notre créativité, depuis maintenant près de 12 ans. Nous avons gagné un concours dès le début de l’agence, bien que le contrat final n’ait pas été signé, mais cela a été galvanisant. Il est évidemment plus facile de se lancer jeune, les charges de famille et les contraintes ne sont pas les mêmes.


Vous êtes présents à la « ULI Europe Conference », un événement annuel phare de l'immobilier qui attire plus de 700 professionnels, y compris des architectes. Pourquoi êtes-vous là ?

Nous voulons rencontrer les gens en personne. Dans ce type de conférence, les intervenants sont des gens de qualité qui ont des messages précis et ciblés à transmettre. Il y a également beaucoup d’intervenants du secteur public. Nous parlons de questions contemporaines et futures, qui ont un impact bien au-delà du domaine de l’architecture. Cela nous permet également de saisir les différentes attentes de chacun, afin de pouvoir y répondre le moment venu. L’ancien maire d’Helsinki a par exemple évoqué l’idée d’interdire toute nouvelle construction, c’est une idée bien entendu controversée, surtout devant un parterre composé notamment de promoteurs immobiliers, mais la question a le mérite d’être posée.


Vous avez une approche qui semble plutôt contextuelle. Comment entamez-vous un nouveau projet ?

Nous ne voulons pas reproduire une certaine typologie, chaque projet est bien sûr différent. Le contexte inclus également le type de client, l’usager final ou le type de stratégie à implémenter pour parvenir à un projet final. Nous cherchons à créer de l’urbanité quand c’est possible, et pour tous les types de projets. Nous nous concentrons sur ce que le bâtiment peut apporter à son environnement, au public ou à l’usager.

Nous avons par exemple réalisé une façade entièrement composée de chaises. Ce choix correspondait à la fois à une nécessité contextuelle et budgétaire. Nous avons été forcés de penser « out of the box » et avons découvert que les propriétés des chaises produites par le client pouvaient correspondre aux contraintes du cahier des charges. Les chaises jouent le rôle de pare-soleil et de double peau. Elles ont également un rôle expressif.

La durabilité est également un élément du contexte. Il y a 10 ans, ce sujet était évoqué de façon superficielle sans finalement être pris en compte. Aujourd’hui cela devient un élément essentiel dans les projets, avec une vraie prise de responsabilité.


Y a-t-il une réelle politique de concours en Tchéquie et en Slovaquie ?

Il y a eu de grands changements ces 10 dernières années. Il y a maintenant près de 10 concours que l’on pourrait juger intéressants par mois. Les plus petites villes et villages sont également concernés. C’est un bon signe, car l’architecture ne doit pas être uniquement destinée aux riches populations urbaines. Les maires comprennent de plus en plus la plus-value que peut apporter l’architecture, que c’est l’expression d’une société éduquée et d’un mieux vivre. Nous sommes très souvent invités à participer à des jurys, et la qualité des projets proposés est à chaque fois épatante. Il n’y a pas de loi obligeant le recours à un architecte chez nous, mais la pression est de plus en plus grande sur le secteur public pour systématiser le principe du concours.


Vous proposez une tour à Ostrava, en Tchéquie. C’est un projet qui réunit un grand nombre des principes que vous évoqués. Comment vous est venue l’idée du projet ?

Ostrava est la 3ème ville de Tchéquie, qui illustre la transition entre une cité minière vers une économie basée sur la connaissance. La ville investit énormément d’argent pour ses espaces et infrastructures publics. Le secteur privé suit le mouvement. Le projet est donc représentatif de ce bouleversement en cours, et s’inscrit dans ce contexte. C’est un bâtiment multifonctionnel qui cherche à créer un impact positif dans le centre-ville, tous les jours de la semaine et à toute heure, comme un nouveau hub social. Il y aura 4000 personnes vivant et travaillant dans la tour, dans une ville où l’éparpillement urbain est devenu problématique. Cette nouvelle densité est également un nouveau pôle de vie, qui fait référence à l’idée de « la ville du quart d’heure » qui propose aux citadins de limiter leurs déplacements pour combler leurs besoins journaliers. Cela permet également de conserver les paysages naturels et de renforcer la césure campagnes/villes.


Quant est-il des matériaux que vous privilégiez ?

Nous aimons évidemment expérimenter de nouveaux matériaux, en accord avec le principe de durabilité. Nous avons par exemple utilisé un béton composé en partie de briques récupérées et concassées. Ce sont des pratiques que nous stimulons avec des développeurs pour l’ensemble des projets, pas uniquement les grands projets emblématiques. La matérialité est un élément essentiel du projet, c’est ce qui contribue à son identité. C’est également un élément important de la durabilité, car nous voyons trop souvent des bâtiments dits « durables » dont nous savons que la qualité des matériaux utilisés est insuffisante et sujette à une forte dégradation. Des bâtiments construits il y a 200 ans utilisaient souvent des matériaux de qualité supérieure. Notre attention se porte sur les détails, sur l’optimisation de l’usage des matériaux en fonction du budget disponible pour le projet.


Pensez-vous à vos projets en termes de mutation et d’altération ?

Un bâtiment doit pouvoir vivre sa vie. La versatilité d’une construction doit être prise en compte. Un architecte crée un « phénomène » dans un lieu particulier, en lien avec les usagers. Si ce « phénomène » est adéquat et adapté aux besoins du lieu qui l’accueille, les usagers feront en sorte de le maintenir. C’est la seule garantie du maintien du bâtiment. Par exemple, notre projet de chai pour Lahofer en Moravie inclut également un centre culturel, un amphithéâtre, et est devenu un lieu de rencontre pour la région. C’est complet tous les soirs d’été. Cette plus-value sociale fait partie du travail de l’architecte, et dépend précisément du contexte. Un bâtiment identique n’aurait jamais pu être imaginé en Chine, car le contexte est totalement différent. En Moravie, il existe une culture du vin depuis des siècles. Les habitants sont immergés dans cette culture, dans la célébration du vin au point parfois de célébrer des mariages dans les chais.


Le Metaverse et l’architecture des mondes virtuels évoquent-ils quelque chose pour vous ?

Nous aimons penser que l’architecture privilégie le monde réel. Construire reste un acte physique. Le futur devrait à tout prix faire prévaloir les rencontres physiques et les échanges réels. Une promenade doit se faire en marchant. C’est dans notre culture européenne. La vie sociale urbaine est à préserver, c’est bien ce que nous a montré récemment la crise du Covid. Le monde digital est par contre très intéressant pour ce qui concerne la conception ou l’entretien du bâtiment. Le BIM permet une mesure exacte des besoins. Il permet aussi d’approcher les détails pour des bâtiments complexes qu’il serait impossible de réaliser autrement. Mais cela reste un outil, pas une fin en soi.


Quelles sont vos aspirations futures ?

Nous venons de terminer le plus grand concours de l’histoire de l’agence, en partenariat avec Mecanoo. Le projet se situe à Prague, pour la future salle philharmonique de Vltava. Ce fût un travail de près de 4 mois. Nous avons été pré-sélectionnés mais nous attendons encore le résultat final. Mais même si nous ne sommes pas retenus, le travail a été enrichissant. Et nous serons curieux de voir les autres propositions, notamment de MVRDV, OFFICE KGDVS + Christ & Gantenbein, Barozzi Veiga + Atelier M1, Sou Fujimoto Architects, Cobe + Lundgaard & Tranberg Architects, Bjarke Ingels Group ou Henning Larsen Architects.

Nous espérons aussi pouvoir réaliser des projets hors de nos frontières, et faire connaître l’architecture tchèque et slovaque. Il y a beaucoup d’architectes de talent, qui restent cantonnés dans leurs frontières. Nous sommes en contact avec de nombreux clients potentiels à travers l’Europe, et nous espérons que des projets se réalisent bientôt. Mais une des caractéristiques de notre profession est la lenteur. Tout prend énormément de temps : pour un projet d’envergure, c’est 5 ans au minimum.


Adhérez-vous totalement à l’idée du concours et à l’énergie dépensée que cela représente pour une agence ?

C’est comme pour la démocratie, c’est un mauvais système, mais le moins mauvais de tous les systèmes. L’architecte doit être bousculé par un concours. Cela lui permet de sortir le meilleur de lui-même, ce qui est bon pour le résultat final. Mais parfois le projet choisi n’est pas le meilleur, et c’est pourquoi le jury est crucial. Un jury moyen livrera un projet moyen. Nous sommes toujours attentifs à la composition des jurys.


Propos recueillis par Nicolas Houyoux



Propos recueillis par Nicolas Houyoux

 
 
 

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