L'essentialisme de Vincent Van Duysen

Vincent Van Duysen (°1962, Lokeren) est architecte, architecte d'intérieur et designer. Il a étudié l'architecture à la faculté d’architecture Sint-Lucas de Gand et a fondé son studio de design à Anvers en 1990. La force motrice de son travail est la relation étroite entre ces trois domaines. Son style est empreint de purisme et d'une utilisation raffinée des matériaux : des conceptions intemporelles, réduites à leur essence. Il conçoit des maisons, des magasins et des bureaux dans le monde entier et dessine des meubles pour des géants internationaux du design tels que Flos et Herman Miller. Il travaille également avec des marques de design renommées telles que Serax et B&B Italia, et est directeur créatif de Molteni&C. Il aime utiliser des matériaux bruts, des couleurs naturelles et des objets faits à la main. La fonctionnalité, la durabilité et le confort sont des éléments clés de son travail. Son approche "essentialiste" lui a valu de nombreuses distinctions et récompenses.

Il se considère comme un enfant du postmodernisme, fasciné par les modes de vie primaires : naturel, authentique, intègre, logique; avec très peu de ressources, mais avec un intérieur très protecteur. Il n'y a pas de frontières entre le développement de produits, les intérieurs ou l'architecture, tout comme il n'y en a pas vraiment entre la mode, la musique, l'architecture, etc. Son travail est reconnu internationalement et se retrouve dans des projets prestigieux partout dans le monde.

Le caractère discret, l'utilisation de matériaux naturels tels que le bois et la pierre et une palette de couleurs clairsemée sont autant d'éléments qui ont fait émerger son style caractéristique. Dans ses espaces sereins et tactiles, tous les éléments sont liés entre eux et tous sont utiles, créant ainsi un "environnement total". En ce qui concerne l'architecture, il a réalisé des projets dans toute l'Europe, aux États-Unis et en Asie, dans les domaines résidentiel, commercial et public.

Vous travaillez à toutes les échelles. Qu'est-ce qui distingue la création d'un espace de celle d'un objet?

Je ne fais pas de distinction entre les deux, il n'y a pas de frontières... Nous concevons comme nous l’avons souvent dit "de la poignée de porte à l'immeuble de bureaux". Certains de nos projets de construction neuve sont conçus jusqu’à l'échelle d'un meuble, la conception d'un produit est parfois un projet architectural...

Les matériaux que vous utilisez sont souvent naturels, des matières brutes. S'agit-il également d'une approche respectueuse de l'environnement?

C'est une bonne question - depuis le début de ma carrière, le concept de conscience environnementale a beaucoup évolué ... alors que j'ai toujours choisi des matériaux naturels (et je parle aussi bien du bois que de la pierre naturelle ou des tissus) parce qu'ils vieillissent magnifiquement, qu'ils sont très tactiles et que leur naturel correspond au confort et à l'atmosphère que je recherche, la demande d'une approche respectueuse de l'environnement se fait de plus en plus entendre (bien qu'elle ait été tout aussi pertinente auparavant, elle est plus claire aujourd'hui). Pour moi, respectueux de l'environnement signifie plutôt durable... et en réalisant des créations intemporelles avec des matériaux naturels, j'espère que mes projets dureront longtemps et qu'ils vaudront l'énergie et l'émotion que nous y mettons - en durant dans le temps, les projets deviennent vraiment durables ! C’est une évidence, que l’on peut comparer à une belle voiture ancienne dont on aurait conservé l'intérieur en cuir plutôt que de le remplacer par une matière plastique.

Vous parlez d'une approche sensorielle, jusqu'à l'odorat. L'architecture est-elle devenue trop visuelle?

Certainement, et nous en sommes tous coupables - un beau livre d'architecture est déjà une chose visuelle ! Pourtant, si je me réfère aux magnifiques couvertures en papier et en lin de mes livres pour les éditions spéciales de Thames & Hudson ... Il est certain qu’elles sont beaucoup plus sensorielles que des images que je traite et que je poste sur Instagram. J'espère inspirer les gens et j'espère qu'à travers le visuel, on voit le sensoriel...

Quelle est votre relation avec les nouvelles technologies ? Vous avez évoqué l’idée de "ralentir". S'agit-il de maîtriser la technologie autant que possible?

Nous vivons par et avec nos ordinateurs et nos iPhones, indispensables dans le monde dans lequel nous fonctionnons - surtout maintenant que nous sommes souvent sur la route pour des projets essentiellement internationaux - mais dès que je peux, je me retire pour lever le pied, dans ma maison à Anvers, dans des arrêts occasionnels entre les voyages, ou dans ma méditation régulière, des éléments que je combine avec mon existence occupée.

Quelle est votre définition du minimalisme?

Pour revenir à l'essentiel, il s'agit d'être capable d'obtenir un effet maximal avec des ressources limitées. Regardez mes projets et ceux de mon équipe et vous verrez que l'espace et la lumière sont à la base de la composition architecturale... qui n'a pas besoin de plus... Le minimalisme ne se résume pas nécessairement à des lignes blanches épurées, détachées du confort et du "bien-être"... ce à quoi l'image visuelle (dont nous venons de parler) se réfère souvent.

Quelle est votre définition de la "mode"?

Tendance / mode sont des notions avec lesquelles j'essaie d'être intemporel. Bien sûr il y a des ‘tendances’ et nous apprenons au fil des années à gérer les éléments à notre disposition d'une manière différente, personnelle, spécifique. Plus longtemps nous les utilisons, mieux nous comprenons ces éléments. Nous continuons à évoluer en aversion à la mode et aux tendances ...

Avez-vous une opinion sur le monde du futur, le monde de l'IA et des espaces virtuels?

Je préfère rester intuitif .... Mais on ne peut pas faire l'impasse sur le virtuel, nous-mêmes nous travaillons beaucoup avec des simulations en 3D, qui rendent les idées perceptibles avant la réalisation... mais parfois ce serait bien de s'en remettre uniquement à l'imagination.

Propos recueillis par Nicolas Houyoux

image: Vincent Van Duysen; photo Piet Albert Goethals