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Les jeux de construction de Léon Wuidar

  • nhouyoux
  • 22 sept. 2022
  • 4 min de lecture

Depuis plus de 50 ans, Léon Wuidar est un artiste multiple : peintre, graveur, dessinateur, illustrateur de livres…. Né à Liège en 1938, il commence à peindre en autodidacte dès 1955. Il abandonne en 1963 la figuration au profit de l’abstraction. Professeur de dessin depuis 1959, Léon Wuidar enseignera à partir du milieu des années 1970 les arts graphiques à l’Académie des Beaux-Arts de Liège en compagnie de Jacques Charlier.

Persuadé de la complicité du plasticien avec le maître d’oeuvre, ses intégrations dans de nombreux projets, réalisées en collaboration avec de nombreux architectes, sont visibles dans toute la Wallonie (bas-relief au restaurant universitaire du Sart-Tilman), à Paris (lambris émaillés de la crèche des Abbesses), Maastricht (garde-corps en verre) ou encore Darmstadt (compositions pour les Télécommunications de la RFA). Rencontre.


Comment voyez-vous la convergence des arts graphiques et de l’architecture aujourd’hui ?

Le courant du ‘street art’ et des arts urbains est très présent aujourd’hui. Ce type d’intervention pose souvent question et ne se justifie pas toujours. C’est à se demander parfois si l’on connait encore la tradition muraliste mexicaine des années 50. Pour ma part, et dans la mesure du possible, je préfère laisser les parois telles que l’architecte les a imaginés. J’opte plutôt pour un travail en amont, dès la conception, en concertation avec le maître d’œuvre.


A quels types de réalisation avez-vous collaboré ?

Ce sont parfois des interventions extrêmement modestes. Il doit y en avoir une trentaine. J’ai toujours essayé de les lier le plus possible au bâtiment, au point parfois qu’elles en deviennent quasi invisibles. Mon but est qu’elles correspondent à la ‘nature’ du lieu.

Chaque réalisation est une expérience nouvelle et unique. Ma première collaboration fut avec André Jacqmain pour la façade du restaurant de l'Université de Liège au Sart Tilman. C’est une des seules fois où j’ai été amené à choisir le lieu de mon intervention. La portion de façade en rectangle au-dessus de l’entrée, plus protégée, me semblait un choix idéal. J’aimais aussi l’asymétrie imposée par la présence des deux fenêtres dans le rectangle, qui m’imposait un traitement géométrique particulier de cet élément de la paroi. Mes collaborations avec Charles Vandenhove, Roger Bastin ou Claude Strebelle se sont faites presque naturellement, souvent en parfaite symbiose.


Comment s’effectue chez vous la combinaison de l’espace à trois dimensions et du plan graphique ?

En 1999, j’ai été invité à concevoir une grille-écran pour l'entrée du bâtiment du Ministère de l'Équipement et des Transports (MET) de la Région wallonne à Namur. C’est un lieu de passage important. A grande distance, on a une vision globale de la grille et des éléments géométriques de la composition, tandis que quand on s’en approche, on perçoit la fine gravure entre ces éléments. Ces deux visions possibles se combinent et évitent d’épuiser complètement la perception de l’œuvre dès le premier regard, lui permettant de se spatialiser.

Dans ma peinture également, on peut retrouver une dynamique particulière liée aux verticales, aux horizontales et aux couleurs. La vision d’un tableau n’est jamais deux fois identique, des effets de profondeur et de superposition peuvent survenir, qui dépendent évidemment du spectateur qui est seul maître de sa perception.


Comment avez-vous élaboré vos premières recherches picturales ?

J’ai commencé à dessiner sur des papiers épars sans ordre particulier. J’ai ensuite pris la décision radicale de travailler dans des carnets avec un papier ‘ph neutre’, de façon méticuleuse. Il doit y en avoir une vingtaine à ce jour. C’est une façon d’accumuler des éléments qui peuvent me servir par la suite, on y retrouve des projets pour des peintures, mais aussi des projets de gravures ou de dallages.


Peut-on aussi y retrouver des recherches plus ‘architecturales’ ?

J’ai toujours eu une sensibilité pour l’architecture. J’ai le souvenir précis, à 10 ans, étant en vacances à Ostende, d’être tombé en admiration devant la construction de la Grande Poste de l’architecte Gaston Eysselinck, chef d’œuvre de l’avant-garde. Je me rappelle aussi de l’intérêt que je portais à Henry Van de Velde, dont l’œuvre m’impressionnait. Je n’ai hélas jamais pu partager cet émerveillement avec mes parents, et trop rarement avec mes condisciples de cette époque. Je me suis donc résigné à ce parcours un peu solitaire. Mais je n’aurais pas pu être architecte, et supporter la pléthore de réglementations qui accompagne la pratique architecturale.

Je me souviens que Charles Vandenhove a été très content de la commande de ma maison à Esneux, car je représentais pour lui le client idéal. La construction de cette maison a duré deux ans. L’entreprise de maçonnerie était très petite : un maçon, son fils et un aide supplémentaire. J’avais eu connaissance de Charles Vandenhove, dont j’admirais la maison en briques, dès le début des années 60. Vu le budget dont je disposais, il m’a proposé un projet en blocs de béton, et chaque esquisse qu’il me soumettait était plus inventive que la précédente.

Plus tard, dans les années 90, la maison a dû être complétée par un nouveau volume. C’est tout naturellement à Charles Vandenhove que la commande a été faite. Le but, atteint, était de réunir les deux parties, la nouvelle et la plus ancienne, de manière unique, pour qu’il n’y ait finalement qu’une seule maison.


Proposez-vous un cheminement particulier du regard dans vos peintures ?

Oui, je crois. Notre regard est éduqué en rapport à des mouvements et des lectures immédiates, haut/bas, gauche/droite. La forme claire est plutôt dominante, la forme noire est plus en retrait. D’une certaine manière, j’intègre ces données. Mais les choses ne sont jamais aussi simples, il est aussi essentiel de suggérer plusieurs lectures d’une même œuvre et d’une même structure. L’observateur ne doit jamais savoir ce qu’il peut ou ce qu’il doit voir. Chaque tableau doit rester une énigme.


Comment percevez-vous l’architecture aujourd’hui ?

Je pense que, heureusement, les choses ont changé depuis un quart de siècle. Les fermettes individuelles ont moins la cote, on accepte mieux une architecture contemporaine plus audacieuse. Je me souviens que, lors de la construction de ma maison en béton, les gens du village pensaient que l’on construisait des écuries. Il y a certaines architectures contemporaines dans lesquelles je ne pourrais pas m’inscrire. Dans les architectures de Vandenhove ou Bastin, je sentais que mon intervention pouvait être un apport, il y avait une complicité. J’aurais moins ma place dans une construction minimaliste achevée dans sa pureté.

Il y a parfois aussi des architectures que je qualifie de monstrueuses, à l’image du château kafkaïen, inaccessible. Ces grandes réalisations très coûteuses et très complexes confinent aussi souvent à la prétention, qui éloigne de l’humain et du partage.






 
 
 

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