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Plus personne ne croit aux utopies

  • nhouyoux
  • 28 nov. 2022
  • 5 min de lecture

Shigeru Ban est né en 1957 à Tokyo. Après des études d'architecture à Los Angeles et à New York, il ouvre son propre studio à Tokyo en 1985.

L'année 1986 voit sa percée internationale – grâce à des tubes en carton. S'inspirant des tubes de rouleaux de papier qui restent dans son bureau lorsque le papier est épuisé, Ban utilise les utilise pour construire des murs, des toits et des structures porteuses. Il a ainsi construit des bâtiments résidentiels entiers, une église et aussi un pont à partir de ce matériau léger, recyclable et facile à traiter.

En 1995, il fonde l’Ong VAN (Voluntary Architects' Network), une organisation qui fournit un soutien architectural aux personnes touchées par des catastrophes naturelles dévastatrices en proposant des habitations temporaires, des abris, des centres communautaires et des lieux spirituels. Son activité dans des contextes extrêmes est continue et s’étend à toute la planète : Ban est présent sur des lieux de tragédie comme le Rwanda, la Turquie, l’Inde, la Chine, l’Italie, Haïti et son pays d’origine, le Japon.

Son pavillon à l'Expo de Hanovre 2000 a démontré les applications polyvalentes du carton et ses abris d'urgence pour les victimes des tremblements de terre de Kobe et d'Haïti ont attiré l'attention internationale.

En mai 2010, le Centre Pompidou de Metz a été inauguré. Avec l'extension Tamedia 2013, Zurich s'enrichit également d'un bâtiment conçu par l'architecte vedette japonais. En 2014, Shigeru Ban reçoit le prix Pritzker, la plus haute distinction pour un architecte.

Shigeru Ban et son associé Jean de Gastines ont récemment inauguré les travaux d’une tour résidentielle du quartier Nieuw Zuid à Anvers. La tour hybride de 25 étages comprendra environ 295 unités résidentielles de caractère divers. L’immeuble, que le promoteur immobilier Triple Living a baptisé BAN, sera situé dans l’éco-quartier où ont aussi travaillé Stefano Boeri, Vincent Van Duysen et Robbrecht & Daem. BAN est une construction en béton, acier et bois, dont les éléments de façade jouent un rôle de signature. Le jardin intérieur couvrira six mille mètres carrés et sera rempli d’un aménagement paysager conçu par Bas Smets.

Rencontre avec Shigeru Ban et son associé français Jean de Gastines.


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Avez-vous une préférence pour certains clients ?

Shigeru Ban : Il n’y a pour moi aucune différence dans le fait de travailler pour un client fortuné ou non, l’exigence est la même. J'ai constaté que les victimes de catastrophes naturelles exigent beaucoup aussi. C’est la même chose pour un grand ou un petit projet. Ma passion reste la même. En fait, je suis intéressé par la conception de n'importe quoi, d'une chaise à un musée, d'une maison de réfugiés à un aéroport - n'importe quoi. Je n'ai pas de personne en particulier avec qui je veux travailler. Je ne choisis personne, ce sont les projets qui me viennent, mais j'essaie de maintenir un équilibre entre travailler pour des clients aisés et pour ceux qui ne le sont pas.


Qu’apprenez-vous de vos nombreux voyages et déplacements ?

Shigeru Ban : J’apprends à me détacher de mon ordinateur, à rencontrer des cultures différentes. Je voyage beaucoup, depuis quinze ans, je prends l’avion au moins une fois par semaine.

Il est très important de rencontrer les futurs clients, de visiter le site avec eux. De rencontrer les ingénieurs aussi, les constructeurs. Evidemment le contexte est primordial pour moi. Même dans une architecture d’urgence, en utilisant les mêmes procédés de construction temporaire, il est primordial de rencontrer les acteurs locaux et de s’adapter aux conditions du lieu.


Continuez-vous à enseigner ?

Shigeru Ban : J’ai reçu un excellent enseignement architectural aux Etats-Unis, et je trouve normal de rendre la pareille. J’enseigne à la jeune génération, je le considère comme une responsabilité, de rendre ce que j’ai reçu. Les étudiants sont les meilleurs acteurs pour agir dans les zones sinistrées, cela fait aussi partie de leur enseignement. Je suis sûr que des catastrophes naturelles continueront de se produire. Il n'y a pas de solution toute faites, mais je suis souvent content de pouvoir compter sur les étudiants. Jadis nous avons cru à une certaine utopie. Mais nous savons que ce n'est pas vrai. Il n'y a pas d'utopie.


Comment voyez-vous l’omniprésence de la notion de ‘durabilité’ en architecture ?

Shigeru Ban : J’utilise des matériaux recyclables depuis bien longtemps. Je ne comprends pas très bien le terme de ‘durabilité’. C’est bien sûr important, voire essentiel, mais l’intérêt commercial est devenu tel qu’il semble avoir pris le dessus, au point qu’on ne sait plus ce qui est durable ou non. Ce mot sert souvent d’argument de vente. Pour ma part j’essaie d’éviter toute forme de gaspillage, et de recycler des matériaux plutôt faciles à produire, mais je ne veux pas user d’un slogan. La ‘durabilité’ est pour moi un mot à la mode vide de sens.


Jusqu’à quel point concevez-vous un projet d’architecture ?

Shigeru Ban : J’ai beaucoup rêvé d’architecture totale par le passé. Mais il est beaucoup plus facile aujourd’hui de trouver un produit manufacturé, même très particulier, qui puisse répondre à une demande ciblée. Mais j’aime toujours tout dessiner moi-même, surtout le mobilier, qui pour moi fait partie intégrante de l’architecture, qui est de l’architecture. C’est en cela qu’un architecte comme Alvar Aalto me fascine, dans sa conception du plus grand jusqu’au plus petit, jusqu’au moindre détail.


Comment allez-vous superviser le projet anversois ?

Shigeru Ban : C’est notre agence parisienne qui gèrera ce projet. C’est mon associé Jean de Gastines qui m’appuiera dans la gestion des travaux.

Jean de Gastines : Je connais Shigeru Ban depuis 22 ans, depuis l’année 2000. Il cherchait un associé pour développer son travail en France. Nous avons d’abord réalisé quelques petits projets jusqu’au concours du centre Pompidou de Metz, que nous avons gagné. Une association plus durable a alors été mise sur pied avec un bureau à Paris qui gère les projets en Europe et au Moyen Orient. Au début, nous avons pu installer nos bureaux au Musée Pompidou à Paris, pour gérer la production des plans et des maquettes du nouveau musée.


Quels sont les points forts du projet BAN ?

Shigeru Ban : Je voulais créer un endroit où les gens peuvent se détendre. La connexion entre intérieur et extérieur est essentielle. La canopée et les terrasses sont des lieux ‘entre-deux’, qui permettent un usage hybride, des fonctions multiples. Selon les saisons, ils deviennent partie intégrante de l'espace de vie. Il y a une grande terrasse suffisamment ombragée autour de chaque appartement, où les gens pourront profiter pleinement du parc paysager environnant et du jardin intérieur.


Et en ce qui concerne les nouvelles technologies numériques ?

Shigeru Ban : Je ne pense pas que les nouvelles technologies modifieront beaucoup la conception architecturale, en tout cas pas dans ses fondamentaux. Il y a un nombre considérable de bâtiments anciens que nous serions incapables de produire actuellement, à moins de le faire pour un prix exorbitant. L’ordinateur ne rend pas l’architecture meilleure. Elle facilite le dessin et la production, mais une cours intérieure, un jardin, une aire de détente ne serait pas nécessairement meilleure grâce à la technologie numérique.


Quels sont vos futurs projets ?

Jean de Gastines : Nous sommes occupés par plusieurs concours en ce moment, et par divers projets en Europe, notamment le projet d’Anvers. Shigeru Ban vient très régulièrement à Paris pour superviser les projets.

Shigeru Ban : Pour l’Europe ce sont des projets à Hambourg, Monaco ou bien sûr les interventions d’urgence en Ukraine. Sinon des projets sont en cours au Japon, aux Etats-Unis ou au Canada.


Avez-vous une préférence pour une de vos réalisations ?

Shigeru Ban : Tous les projets, évidemment, on ne choisit pas d’aimer plus ou moins un de ses enfants.


Propos recueillis par Nicolas Houyoux


 
 
 

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