L’architecture de la connaissance
- nhouyoux
- 19 sept. 2020
- 2 min de lecture
« Architecture pour ceux qui cherchent la connaissance. — Il faudra reconnaître un jour, et bientôt peut-être, ce qui manque à nos grandes villes : des endroits silencieux, spacieux et vastes pour la méditation, des endroits avec de hautes et de longues galeries pour le mauvais temps et le temps trop ensoleillé, où le bruit des voitures et le cri des marchands ne pénétreraient pas, où une subtile convenance interdirait, même au prêtre, la prière à haute voix : des constructions et des promenades qui exprimeraient, par leur ensemble, ce que la méditation et l’éloignement du monde ont de sublime. (…) Nous voulons nous traduire nous-mêmes en pierres et en plantes, nous voulons nous promener en nous-mêmes, lorsque nous circulons dans ces galeries et ces jardins. »
Qu’entend Nietzsche par "Architecture de ceux qui cherchent la connaissance" ? En ces temps de technicité contraignante, quelle est la place de la nouveauté dans l’architecture d’aujourd‘hui ? Ou comment mettre en place une démarche de projet à la fois locale, individuelle et contemporaine ?
Les outils intellectuels de l’architecte, issus de sa culture architecturale, se traduisent par un travail sur la composition, la définition d'un parti architectural ou sur la conception spatiale. La pensée constructive s'élabore par un système de médiations. Les modes de composition dans leurs potentialités à produire du sens génèrent des structures architecturales comme autant de figures symboliques dans des contextes donnés. Le projet se produit à partir de cette relation entre le conceptuel et le matériel. Les questions touchant à l'esthétique notamment, entendue comme la production de formes signifiantes, mettent en jeu des processus qui ne sont pas linéaires et recouvrent des phénomènes appartenant à la littérature, à la philosophie ou à l'art contemporain : l'apparition d’une architecture considérée comme novatrice résulte de la superposition de plusieurs « tendances ». La crise du paradigme moderniste, qui a épuisé son potentiel théorique, a également son rôle à jouer. Car bien évidemment, le rapport de la société à l'Histoire et au passé de manière plus générale, la valeur donnée aux formes héritées et la relation à la matière traduisent aussi une évolution du rapport au monde, principalement véhiculée par la connaissance d’un large spectre de disciplines créatives.

À chaque époque s'est posée de manière plus ou moins consciente la question de ce qui devait être conservé, transformé, recyclé, réhabilité, de ce qu'on a désigné de manière tardive notre «patrimoine». Ces préoccupations constantes de l’architecture du temps présent réajuste sans cesse notre rapport au lieu. Car l’utilisation successive de l'architecture comme médium et comme média construit l'idée architecturale . Elle produit simultanément une représentation du présent support à projet et une image du futur qu'elle vise. Les notions de 'durabilité' et d’ 'environnement' qui semblent sous-tendre le débat architectural au début du XXIe siècle ont par exemple été particulièrement véhiculées et instrumentalisées par l’architecture-média elle-même, dans tout une série de représentations futurologiques. L’ Architecture de ceux qui cherchent la connaissance n’est-elle pas justement celle qui s’autodétruit et s’autoproduit sans cesse, dans sa volonté assumée de l’assimilation et de l’illusion ?
Image: Archizoom-città
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