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Le rôle des architectes reste souvent archaïque…

  • nhouyoux
  • 19 sept. 2020
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 11 avr. 2023



Diplômé en 1969, Massimiliano Fuksas devient professeur à l'académie des arts plastiques à Vienne, à l'université Columbia à New York, à Rome, Stuttgart puis Hanovre. Il commence à réaliser ses projets comme le complexe scolaire à Anagni en Italie, l’université de Brest et de Limoge en France, deux gratte-ciel de bureau et un Kinocenter à Vienne en Autriche ou la Foire de Milan (2005). Massimiliano Fuksas estime que la querelle entre Modernes et Post-modernes doit être dépassée et qu’il est temps d’inventer de nouveaux concepts architecturaux. Ses constructions ne respectent ni les règles de la géométrie, ni les traditionnelles lois de la proportion. Considérant que la fonctionnalité du projet doit primer, l’architecte italien n’hésite pas à évincer tout style décoratif et à employer des matériaux bon marché.

Quand trouvez-vous le temps de travailler ?

Je me couche et je me lève très tôt, à 6 h maximum. C’est à ce moment là que je travaille le mieux. Quand on est jeune architecte on a besoin de dessiner beaucoup, de réaliser des maquettes ; plus tard on voit avec les yeux fermés, on se promène par la pensée dans les bâtiments que l’on imagine. On peut modifier des choses, ajouter de la lumière à tel ou tel endroit. C’est le propre de l’architecture, d’abord avoir tout le scénario en tête avant d’entamer les choses sur un plan pratique. Les mains ne servent pas à grand chose. C’est la tête qui permet de guider, de mettre ensemble, d’accumuler, de filtrer, de rajouter…

C’est quoi être créatif ?

L’élection d’Obama a vu arriver au pouvoir la deuxième classe sociale présente aux Etats-Unis, la classe créative. C’est celle qui travaille sur les questions du développement, de l’environnement, de l’énergie, c’est notre classe, les architectes appartiennent à cette classe. Il n’y a plus d’avant-garde, c’est devenu impossible dans un temps aussi raccourci que le nôtre. Tout se fait trop vite. Avant il y avait un décalage entre l’invention et la réalité de l’application, mais c’est terminé, ça appartient désormais à une vision romantique des choses. Le projet de Milan qui fait 1,6 kilomètres et plus de deux cents mille mètres carrés s’est construit en 26 mois, avec un budget très serré. Il y a 10 ans cela aurait été impossible.

Quelle est votre vision de Bruxelles ?

C’est une ville sans tour. Le centre historique est incontournable, on peut presque y toucher le conflit permanent entre le religieux et le pouvoir bourgeois. Il y a peu de changement d’échelle. Bruxelles a la capacité de concentrer l’idée européenne. C’est un rôle iconique. Bruxelles est au-delà de l’architecture et de l’urbanisme dans ce rôle, ils viennent après. Cette figure symbolique est essentielle si on veut réfléchir à la fois à l’Europe et à son fonctionnement dans les villes. Avant il y avait les quartiers définissant différentes fonctions, puis il y a eu un phénomène de spécialisation qui a fait que c’est toute une ville qui a représenté une fonction, ou même tout un pays : Sao-Paulo est une ville d’affaires, les Maldives c’est pour les vacances… Maintenant c’est à l’Europe de définir sa symbolique. L’architecte ne peut pas être le seul à y contribuer. Plus d’éthique, moins d’esthétique, c’était mon credo lors de la Biennale de Venise en 2000. Cela implique des changements politiques, économiques, sociologiques.

Que faut-il privilégier alors?

Il faut choisir. Il vaut mieux dire non que dire oui, le plus souvent. J’ai souvent dit : être architecte ne suffit plus. Les beaux-arts, c’est dépassé. On dit toujours qu’il y a trop d’architectes, c’est faux, c’est qu’on a une utilisation des architectes qui n’est pas efficace dans une société transformée comme la nôtre. Le rôle des architectes reste souvent archaïque pour ce qui concerne les problèmes d’environnement, d’énergie durable, de transport,… il est vraiment indispensable d’aller beaucoup plus loin. Certaines villes enferment plus de voitures que d’habitants, c’est intenable. Je suis romain, mais européen. Ma ville, c’est Rome, mais je me sens véritablement issu du mélange européen. Bruxelles a une grande chance, celle de dire qu’elle prend acte que l’Europe doit trouver une responsabilité, un sens. Aujourd’hui on a dépassé le mythe de la modernité, c’est déjà une attitude éthique. On cherche à intervenir dans ce qui ne marche pas. C’est comme cela que l’Europe se construit, pas à pas.

Lequel de vos projets vous tient le plus à cœur ?

C’est toujours le prochain projet. Le temps qui passe me donne beaucoup d’angoisse. Je ne présente plus les projets du passé dans mes conférences, sauf parfois devant les étudiants. J’ai finalement assez peu travaillé pour le privé, il y a eu le centre de recherche pour Ferrari et quelques autres projets. En Chine, je ne fais pas de spéculation immobilière, je travaille avec l’Etat, je préfère quand même ça. On me demande rarement de faire de l’habitation, de travailler réellement sur la ville. Sauf peut-être à Milan, où j’ai pensé à un morceau de ville à l’échelle d’un territoire. C’était vraiment une tentative de compréhension d’échelle, dans l’idée réaliste que l’urbain a définitivement gagné sur la campagne. C’est un double travail de réparation des dégâts urbains antérieurs et de prévention de ce qui pourrait survenir dans le futur.

Etes vous quelqu’un de nuancé ?

Je l’espère. Bon, je suis italien ! J’utilise A et B non comme des extrêmes mais comme deux pôles qui créent une dialectique. Je crois que je suis le seul architecte qui n’a jamais accepté de faire partie des modernes ou des anti-modernes. Je privilégie toujours l’introspection, le rapport entre moi et le paysage, je suis un catalyseur. Je ne fais pas une architecture totalitaire, je cherche à donner l’idée de l’illusion dans la réalité, c’est ce qui fait le lien entre mes projets. Je cherche à susciter la surprise, par exemple en ne faisant pas correspondre l’extérieur et l’intérieur, pour échapper à l’internationalisme. Il faut accepter que la stratification soit notre existence. Il faut construire, démolir, améliorer, trouver une alchimie en conservant ce qui fonctionne.

D’où vient votre inspiration ?

Il y a deux grands réalisateurs qui m’ont beaucoup appris, c’est Hitchcock et Kubrick. Hitchcock pour le montage, c’est à dire les moyens de rendre la notion de dynamique, notamment par le changement d’horizon et l’utilisation de la diagonale. Kubrick c’est la tension, le point de vue. Il s’est essayé à tous les genres, sauf le western. Ce n’est ni le thème, ni la forme qui le caractérise, c’est la façon d’organiser l’espace et la vision.

Que faîtes-vous en Chine ?

L’aéroport de Schenzen. Il y a 100 ans c’était une petite ville de 20 000 habitants, aujourd’hui elle en compte 15 millions. Nous réalisons un projet qui peut tenir jusqu’en 2050. C’est un projet gigantesque puisque cet aéroport doit permettre de réguler 30% de la production chinoise. Il y a aussi une université en cours de conception.

Comment votre agence s’organise-t-elle ?

L’agence se divise entre Rome (80 pers), Paris (40 pers), Francfort (15 pers) et Shenzhen (25 pers). Je ne délègue rien, et je suis encore convaincu d’avoir une agence de 15 pers. Je n’aime pas les structures pyramidales, je préfère la structure classique horizontale où je peux être partout. Les maquettistes sont au cœur du travail, c’est autour d’eux que se construit la création. 3D et maquettes sont les pivots de l’agence.

Propos recueillis par Nicolas Houyoux

 
 
 

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