Un architecte dans le paysage

Ou l’art délicat de concilier architecture et paysage.

« Non seulement l’architecture et le dessin du paysage doivent être considérés comme deux parties indivisibles d’une même action, mais les techniques du jardin doivent aussi être reprises et utilisées dans l’architecture » (K. Kuma)

Les enjeux et les attentes liés à l'association du paysage et de l'architecture sont multiples. L’association des deux disciplines ne va pas de soi et recouvre bien souvent une pluridisciplinarité peu commune dans le champ du savoir. Ces pratiques renvoient à une diversité de contraintes issues des sciences humaines, exactes et techniques sans pourtant entretenir le même type de relation avec cette série de sciences. Curieusement, la relation entre architecture et paysage reste peu traitée, alors que leur confrontation est quotidienne. En Belgique, l’enseignement de l’architecture et du paysage est historiquement disjoint, la collaboration entre les deux pratiques se jouant prioritairement dans le champ du projet. Dans les écoles italiennes ou espagnoles, les deux enseignements sont complètement mélangés, voire confondus.

Si « Architecture » désigne a priori un métier, des savoirs relativement identifiés et réservés à un milieu professionnel, « Paysage » reste forgé et marqué par sa polysémie. Mais au même titre que l’architecte, le paysagiste est d’abord un concepteur, capable d’imaginer, de représenter et de maîtriser la transformation matérielle de l’espace. Il est également un chercheur, capable d’expliciter les processus naturels et sociaux qui déterminent les paysages et leurs dynamiques ainsi que le lien culturel et symbolique qui unit les hommes à leur espace. Il est enfin un médiateur, capable d’exprimer et de mettre en débat les enjeux du paysage dans une démarche pédagogique pour concevoir de nouvelles représentations susceptibles de fonder un projet de paysage partagé. Le paysage est une composante de la création de la ville, dont le but est de donner du sens aux transformations du cadre de vie et du territoire.

La complexité et la transformation de nos paysages contemporains en matière d'aménagement du territoire demande de plus en plus un travail en équipe pluridisciplinaire pour inventer de nouveaux concepts. Concevoir des aménagements qui favorisent l’intégration durable des projets dans leur milieu ; optimiser le développement de secteurs stratégiques; créer un environnement agréable et sécuritaire qui suscitera le sentiment d’appartenance des citoyens; exploiter la complémentarité des différents modes de transport sont autant de réflexions critiques et prospectives. Le projet paysager permet de relancer le dynamisme de la cité. Il y a paysage lorsque le pays est digne d'intérêt. S'il ne l'est pas, il faut qu'il le devienne.

Le regard sur le pays change avec chaque société et chaque époque mais certains indicateurs sont suffisamment stables pour pouvoir être utilisés dans la gestion ordinaire des lieux. Les analyses sont indispensables et doivent se transformer en outils pratiques de gestion du territoire en fonction des objectifs de préservation ou d'amélioration du paysage.

Les relations d’imbrication entre le site, la structure et l’espace constituent les termes de la formule qui peut donner vie à un projet dans une cohérence du propos. La démarche paysagère, qui consiste entre autres à prendre en compte le contexte paysager, historique, culturel, social, la logique du site et son approche sensible..., ne relève pas du seul domaine de compétences du paysagiste. Si l’architecte adopte cette démarche, alors la conciliation architecture et paysage en découlera.

Image: The Juniper House, Murman Arkitekter