top of page
Rechercher

Le Bruxelles de Marie-Françoise Plissart

  • nhouyoux
  • 14 oct. 2022
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 28 oct. 2022

Bruxelles ne fait pas partie de la vingtaine de villes du monde qui se résument à des images archétypales communes au niveau mondial, comme New York ou Sydney. Sa notoriété populaire, qui peut être mesurée au moins à l’échelon national, est souvent liée à sa déprise urbaine, et les représentations mentales qui la caractérisent peuvent parfois être négatives.



A l’heure où Google Map propose de parcourir le monde entier vu du ciel, Marie-Françoise Plissart nous offre l’occasion d’une contemplation atypique de la ville pour qui veut observer « par-dessus ». La photographe capte un paysage bruxellois singulier, lui octroyant une puissance presque symbolique, laissant à chacun le soin de se faire son idée, comme s’il pratiquait par lui-même la ville, en la regardant directement.


Dissolution des formes, des objets, des lumières de la ville, telle est la puissance de l’image photographique de l’auteur, qui se laisse regarder dans la mesure où elle nous regarde. Les photographies sont portées par un mouvement de recherche, l’intensité jaillit de l’ordre d’une composition, même si cet ordre est rendu au hasard.


Solidaire d’une conception fluide et mouvante de l’urbain, l’itinéraire proposé par ses images permet d’approcher les réalités fragmentaires de la ville, de rendre tangibles les rapports au temps et à l’espace. Une expérience visuelle de l’urbain qui tient aussi bien compte de la relation entre espace et ville que de la relation entre temps et dispositif visuel. La rencontre s’établit par des parcours qui réunissent l’espace et le temps, la ville et la photographie dans des séquences qui soulignent les interactions entre matérialité, usages et cadres. Petit à petit, l’environnement s’appréhende au moyen d’un regard qui s’affine. Sans forcément se borner, notre regard se structure progressivement.


Dans une première lecture, ce type de regard peut s’apparenter à celui du flâneur. Le flâneur est celui qui est capable de se rendre disponible au monde qu’il traverse, par l’hypertrophie de son œil, sans pour autant être submergé et stoppé par la multitude des signaux susceptibles d’accaparer son attention. Les images de Marie-Françoise Plissart s’inscrivent dans une démarche en équilibre entre le fait de se rendre disponible à l’illimité du visible et le fait de se donner un visuel situé comme cadre d’exploration et de réflexion. La matérialité de l’environnement de la ville se laisse ainsi appréhender. Un guide pour l’attention.


Les itinéraires visuels de la photographe nous invitent à considérer l’épaisseur de l’observable à travers laquelle voyage notre regard. C’est en termes de rapports entre l’architecture, l’homme et l’espace que le langage visuel photographique révèle une structuration distincte. Le travail photographique de M-F Plissart s’inscrit, à long terme, dans l’histoire des représentations imagées de Bruxelles. On remarque chez elle une évidente innovation plastique et sémantique dans la représentation du paysage urbain.


Bruxelles représente aujourd'hui, pour toujours plus d'individus, un espace de vie quotidienne. Il s'y joue, en conséquence, de nombreux enjeux individuels et sociaux. Notre appréhension des espaces, des images et des corps, se joue d'éléments omniprésents au cœur de la ville: façades, miroirs, lumières, écrans... Ces surfaces visuellement perméables, c'est-à-dire qui se laissent transpercer par le regard, entraînent l’observateur dans une expérience de l'entrelacs des réalités. Cette perméabilité urbaine nous immerge dans la ville mêlée; une ville où le mélange affecte les formes au point, parfois, de nous jeter dans un doute visuel. Cet ensemble de matières urbaines entraîne une multitude d'effets visuels : superposition, reflet et transparence, mise en abyme, correspondances, saturation des couleurs... que nous analysons comme autant de formes avec lesquelles notre regard et notre rapport au monde se construit. Notre culture visuelle, au-delà de l'espace de la ville, ne serait-elle pas travaillée par un excès symptomatique de cette forme diffuse qu'est l'urbain ?


Car la photographie est l’extrême terme de la vision, et nous devons nous abandonner à son mutisme: refuser la clameur ininterrompue des rumeurs et des bruits familiers. La photographe elle-même n’erre pas dans la ville à la recherche d’images ou d’émotions fortes. Elle est en prise avec les choses - la capture est sa récompense.


Image: Port de Bruxelles, ©Marie-Françoise Plissart

 
 
 

Yorumlar


Featured Posts
Recent Posts
bottom of page