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Stand-up et architecture

Lorenzo Mancini est un jeune humoriste issu de la scène belge du stand up. Il est le gagnant du récent concours “Next Prince of Comedy”, organisé par le Kings of Comedy Club à Bruxelles, et gagnant du concours "Jeunes Talents" au Festival du rire de Bastogne.


Mais Lorenzo Mancini est aussi architecte de formation et de profession. ‘Origami’, son premier spectacle, n’est pas sans rapport avec la discipline architecturale, notamment dans sa structure. Celui-ci est à découvrir tous les deuxièmes jeudis du mois au Kings of Comedy Club et le 14 juin 2023 pour une date exceptionnelle au Théâtre Mercelis à Ixelles. Rencontre.



Quelle est la part de votre métier d’architecte dans celle du comédien?

L’architecture exerce une influence sur ma manière d’écrire. Mon spectacle est construit comme le ferait un scénariste, à partir d’un canevas global, que je nourris petit à petit en réfléchissant chaque fois à la place des différentes idées dans la structure générale. J’effectue des retours en arrière, des décalages de sens qui ne peuvent être compris qu’en rapport avec la structure que je mets en place. On peut s’amuser dans ce type de construction de la même manière que l’on peut le faire en architecture. Un des principes fondamentaux de l’humour, c’est la surprise. C’est un principe que l’on retrouve dans la composition architecturale.

L’architecte de la blague, c’est aussi un slogan plus ‘marketing’, ça suscite une certaine curiosité. Au-delà de cela, le stand-up traite du monde qui nous entoure et notre analyse dépend de nos parcours de vie mais aussi académique et professionnel.


Comment gérez-vous le contenu de vos textes ?

En architecture, on ne dessine pas un mur oblique s’il n’y a pas une raison particulière. Donner du sens est un autre point qui me tient à coeur. Si je prononce tel mot plutôt qu’un autre, il doit y avoir une justification.

Le stand-up, c’est comme un avant-projet, une ‘pièce à casser’ que l’on teste devant un public. Tu proposes quelque chose et les réactions du public permettent de faire évoluer la proposition. Il y a aussi une dimension très technique à l’humour. Ces allers retours avec le public permettent de peaufiner le projet final, pour qu’il puisse fonctionner le mieux possible. Une différence intéressante entre les deux, c’est qu’en architecture, le délai entre la conception et le résultat concret est généralement très long, ce qui n’est pas le cas en matière de stand-up. Dans l’humour, on peut écrire une blague le matin et voir le public rigoler le soir, ce qui est quand même très gratifiant et d’ailleurs plutôt addictif. Il y a aussi une liberté totale, qu’on retrouve à mon sens de plus en plus difficilement en architecture, en raison des multiples contraintes : financières, programmatiques, normatives.


Comment tout cela a-t-il commencé ?

J’ai débuté dans le stand up grâce au mariage d’un ami. J’y étais le maître de cérémonie. J’ai dû écrire une vingtaine de pages de texte pour animer les festivités toute la journée. Au vu des échos positifs qui me sont parvenus à la fin de la célébration, j’ai eu comme un déclic sur mes capacités d’écriture. Cela s’est brusquement matérialisé dans mon esprit. Avant de me lancer dans l’aventure « Stand-up », j’ai réalisé un court métrage, qui fut une expérience complémentaire enrichissante. Puis je me suis mis au stand-up pendant près de 4 ans (2an et demi si on enlève le COVID). En septembre 2021, j’ai gagné le concours « Next Prince of Comedy » (précédemment gagné par Guillermo Guiz, Laura Laune ou encore Fanny Ruwet) au Kings of Comedy Club. Grâce à cela, j’ai la chance d’y jouer mon spectacle tous les mois. Ce concours m’a aussi ouvert des portes vers de nouvelles expériences incroyables, notamment le festival d’Avignon où j’y ai fait sept représentations de mon spectacle cet été. J’espère maintenant jouer « Origami » dans des salles plus grandes, pouvoir enrichir mon spectacle et élargir les lieux de représentation.


Pourquoi avez-vous la réputation de faire de l’humour ‘intelligent’ ?

Le stand-up, c’est un art qui me correspond bien, c’est un art très populaire accessible à tout le monde. Cette idée d’humour ‘intelligent’ vient d’une blague de mon spectacle. Mais dans le fond, J’aime l’idée qu’on peut amener de l’intelligence, de la réflexion et de la nuance dans une expression d’art très accessible. J’essaie dans mes textes de donner un point de vue sur le monde, pas seulement de raconter mon quotidien ou de rire de sujets trop évidents. De manière générale, c’est un humour de réflexion sur la société. Par exemple, Je ne parle absolument pas de mon quotidien d’architecte.


Qu’espérez-vous transmettre au public ?

Avant tout, quand le public vient voir un spectacle d’humour, son but c’est avant tout de rigoler. En stand-up, le rythme est donc très important. Au-delà du rire, j’essaie de faire une proposition artistique, un concept qui va au-delà du simple divertissement. J’aime l’idée de développer une vision globale d’un projet où tout est articulé autour de ce concept… comme en architecture. D’où le titre du spectacle « Origami » qui pour le spectateur est un simple pliage de papier et pour moi… (il faudra venir voir le spectacle pour le savoir).

Le concept (ou le ‘parti’) peut se décliner de plusieurs manières, sur scène, dans les textes, dans la communication. Il permet d’articuler le projet de diverses manières.


L’espace scénique est-il également pris en compte ?

Je vais bientôt jouer mon spectacle dans une nouvelle salle, plus grande. Il faudra alors prendre en compte la mise en scène. C’est donc une réflexion que je commence à avoir. J’aimerais que le spectacle puisse se décliner dans la mise en scène par rapport au type de salle. Je travaille pour cela avec une professionnelle de théâtre (Adèle Cooken), qui a une vision claire de ce qui peut être fait ou non.


Où en êtes-vous en pratique avec cet ‘entre-deux’, entre stand-up et architecture ?

J’ai travaillé 8 ans pour A2RC à Bruxelles. Depuis deux ans, je suis architecte indépendant, tout en travaillant sur mes textes. Je reste attaché aux deux disciplines. Le développement d’une carrière d’humoriste dépend évidemment beaucoup de la notoriété. Je pourrais éventuellement abandonner l’architecture si cette notoriété devenait suffisante pour en vivre, mais je n’ai pas de plan précis. Je continue les deux chemins en parallèle. J’aime bien cette diversité de tâches, c’est aussi l’avantage d’être indépendant.


Et vis-à-vis de vos clients ?

Certains le savent, d’autres pas. Ils semblent en tout cas satisfaits de mon travail d’architecte donc la question ne se pose pas vraiment. Je pense que les deux activités peuvent très bien être menées conjointement si on aime son travail.


Comment parvenez-vous à organiser le travail en général ?

Assez facilement finalement. Quand je vois certains de mes amis avec des enfants, je ne pense pas être le plus à plaindre. Je gère plutôt les chantiers la journée et les spectacles le soir. Je crée aussi mes propres visuels, avec les outils que j’ai manié pendant mes études. J’aime aussi beaucoup dessiner tard le soir. Très bizarrement, je n’ai jamais fait de ‘charrette’ lors de mes études d’architecture. Je suis plutôt d’une nature organisée, et je déteste travailler dans le ‘rush’. Finalement, je suis mon propre moteur, que j’utilise suivant les exigences du moment.


Propos recueillis par Nicolas Houyoux

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